Claude Dumont-Beghi, bête noire des Wildenstein

12 décembre 2021
12 décembre 2021 adminCDBeghi25

L’avocate parisienne, qui devait comparaître le 16 décembre pour « diffamation » à la demande des héritiers du marchand d’art Daniel Wildenstein, vient d’apprendre, ce vendredi 10 décembre, l’abandon du procès.

"Claude Dumont-Beghi, qui a planché sept ans sur le dossier Wildenstein, ne s’étonnerait pas que le portrait ait passé les frontières en catimini."

Coup de théâtre ce vendredi 10 décembre en milieu d’après-midi : l’avocate Claude Dumont Beghi a appris le désistement du procès en diffamation de Guy Wildenstein par un courrier adressé à la présidente de la 17e chambre correctionnelle. Cette femme de caractère devait comparaître le 16 décembre devant le tribunal de grande instance de Paris pour « diffamation et injure publique », à la suite de la publication, en 2016, de son livre Les Milliards cachés des Wildenstein (L’Archipel). Elle y accuse Guy Wildenstein, grand donateur de la droite française et soutien de Nicolas Sarkozy, de fraude à la succession.

Pour comprendre l’affaire, il faut remonter à octobre 2001, au décès du père de Guy, Daniel Wildenstein. Héritier d’une dynastie de marchands d’art, il a construit un empire composé d’hôtels particuliers à Paris et à Manhattan, de pur-sang, d’un ranch au Kenya et, surtout, d’une fabuleuse collection de tableaux de maîtres. À sa mort, pourtant, ses fils, Guy et Alec, ne déclarent au fisc qu’un patrimoine de 43 millions de dollars. Et réussissent à convaincre leur belle-mère, Sylvia Roth-Wildenstein, de renoncer à sa part d’héri­tage pour échapper à un redressement fiscal. En échange, ils lui laissent un petit pécule et la jouissance d’un luxueux appartement parisien dans les immeubles Walter, porte de la Muette. La veuve acquiesce, avant de se lancer dans une longue procédure judiciaire pour recou­vrer ses droits. À ses côtés, la très pugnace Claude Dumont-Beghi, rencontrée en 2003. L’avocate, qui a prêté serment vingt ans plus tôt, n’est pas un ténor du barreau. Harpiste à ses heures perdues, elle n’a pas d’associé, à peine un ou deux collaborateurs, selon les années – « je suis trop indépendante, trop rapide et personne ne peut suivre mon rythme de travail », sourit-elle. Mais la protestante a du cran et de l’énergie.

Il en faut pour affronter les avocats de la partie adverse : le puissant pénaliste Hervé Temime, conseil de Bernard Tapie, de Gérard Depardieu et de Bernard Arnault, et le très combatif avocat d’affaires Jean-Michel Darrois, «On nous à pris pour deux blondes, deux connes, grince Claude Dumont-Beghi, Personne ne nous prenait au sérieux, personne n’imaginait  qu’on irait jusqu’au bout.» En avril 2005, l’avocate rem­porte une première manche, en obtenant l’an­nulation de la renonciation à l’héritage. Mais Sylvia Wildenstein est bientôt aux abois. « Les 5 millions d’avance sur capital qu’elle a perçus en 2005 se sont envolés. La quasi-totalité de la somme a servi à payer les honoraires de Claude Dumont-Beghi », écrit la journaliste Magali Serre en 2013 dans Les Wildenstein (éditions JC Lattes). Interrogée sur ses émoluments, Claude Dumont-Beghi assure, sans pour autant confirmer le montant, que c’est le prix d’une enquête internationale pour lever le voile sur les trusts des Wildenstein, ces sociétés écran basées aux Bahamas et à Guernesey, qui leur auraient permis de dissimuler au fisc des centaines d’œuvres d’art et des millions de dollars.

Maître Dumont-Beghi

En 2008, toutefois, l’avocate essuie un cuisant revers : la justice rejette ses demandes, notamment les 450 millions d’euros réclamés par la veuve. « Claude Dumont-Beghi a envoyé sa cliente dans le mur, elle est trop agressive », lui reproche l’un de ses confrères, qui préfère rester anonyme. « Je serais un homme qu’on ne dirait pas que je suis agressive, riposte-t-elle.

On n’était pas des kamikazes. Il y avait une injustice criante qu’il fallait réparer. » Claude Dumont-Beghi ne désarme pas, alerte le ministère du budget sur les trusts, multiplie les courriers à l’adresse des politiques, prend les médias à témoin. Au décès de Sylvia Wildenstein, en novembre 2010, sa sœur, Tamara, refuse de poursuivre les procédures. L’avocate perd son mandat. Mais qu’importe ! L’affaire Wildenstein est lancée : en 2011, une information judiciaire est ouverte à Paris pour fraude fiscale sur les droits de succession de Daniel Wildenstein. Claude Dumont-Beghi publie un premier livre sur le sujet en 2012, puis un second en janvier 2016, attaqué trois mois plus tard par les Wildenstein. En octobre 2016, le parquet requiert quatre ans d’emprisonnement dont deux avec sursis et 250 millions de dollars d’amende contre Guy Wildenstein. Après une relaxe, la Cour de cassation a finalement ordonné, en janvier 2021, la tenue d’un nouveau procès.

En 2016, Claude Dumont-Beghi avait sorti un autre livre, Le Gabon. De l’héritage au partage (L’Archipel). Car une autre Sylvia, Bongo de son nom, l’épouse d’Ali Bongo, président du Gabon, l’avait recrutée en 2013 afin de l’aider à créer une fondation dédiée aux femmes. Deux ans plus tard, l’avocate parisienne représente le président gabonais dans le violent bras de fer qui l’oppose alors à sa sœur Pascaline, autour de l’héritage de leur père, Omar Bongo, mort en 2009. C’est elle aussi qui aura à gérer le volet gabonais dans l’épineux dossier des « biens mal acquis », ces opérations immobilières qui auraient permis de convertir des fonds d’origine délictuelle. Une revanche pour la juriste, qui avait dû faire saisir en 2000 un Boeing 747 d’Air Gabon, dont elle avait été l’avocate pendant quatorze ans, pour récupérer un an d’honoraires non réglés.

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Source: Le Monde
Auteurs: Roxana Azimi

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